« L’enfant acquiesça sans parler, l’habitude et l’obligation de ménager ses forces l’avaient doté à la longue d’un répertoire de très petits signes, une mimique délicate et compliquée comme le langage des animaux. Il excellait à faire de ses sens un usage féerique et paradoxal. Pour lui, les rideaux de mousseline blanche frappés de soleil vers dix heures du matin, rendaient un son rose, et la reliure d’un ancien Voyage sur les rives de l’Amazone, écorchée, en veau blond, versait à son esprit une saveur de crêpe chaude… L’envie de boire s’exprimait par trois « claquements » de paupières. Manger… oh ! pour l’envie de manger, il n’y pensait pas. »
Dans cette nouvelle, extraite du recueil « Gigi », publié aux éditions Fayard, Colette nous transporte dans la chambre d’un enfant malade dont la fièvre décuple l’imagination et les rêves. C’est tout un monde fantastique qui se déploie sous nos yeux, merveilleux et baroque, avant que la fièvre retombe et que la réalité reprenne ses droits.