« Je passais dix années dans une étrange république. Un jour j’ouvris les yeux et je me vis. Mon visage était laid. J’avais le rire faux, l’âme neurasthénique. Une main m’empoignait la poitrine, et la tordait. Ma vie, je la portais comme on porte un sac. Je sus qu’il fallait fuir. Je pris des autoroutes. Je traversai des mers, des fleuves et quatre continents. J’avançais vite et sans me retourner. Comme on s’évade après un meurtre. Parfois, je fus tentée de renoncer à ce voyage et revenir à mon sommeil abject. Mais jamais, cependant, je ne relâchais mon rythme. Je voulais m’écarter d’un pays où les hommes s’éteignent à force de se soumettre. »
« Contre » est le fruit d’une commande de France Culture pour les Rencontres de la Chartreuse du Festival d’Avignon, lors desquelles le texte, accompagné d’une musique originale de Serge Teyssot Gay et Marc Sens, était lu à voix haute. Sa puissance scénique et collective est manifeste. Comme Diogène autrefois, la narratrice « cherche un homme ». Elle porte en elle la fougue de nos espoirs et de nos révoltes. Cette dernière nouvelle exalte la portée politique du rêve, qui pousse à transformer la réalité.